Jacques Prouvost
Ce pourrait être la musique qui accompagne une promenade silencieuse et solitaire (ou alors bien accompagnée) le long d’un étang ou dans les hautes herbes d’une vallée peu fréquentée, tant celle-ci respire la plénitude et remplit l’imaginaire.
Dans ce second album, Alexandre Furnelle approfondit encore sa recherche d’atmosphères au travers des cordes (violon, violon alto, violoncelle, contrebasse et, sur l’un ou l’autre titre, la guitare) qu’il rehausse du souffle aérien d’un sax soprano et d’une clarinette basse, ou de celui, plus particulier, du duduk et du hulusi (flûte chinoise).
Le contrebassiste partage avec Daniel Stokart la plupart des compositions qui sont, en tout point, extrêmement raffinées et ne manquent jamais de reliefs, de rebonds, d’intrigues et encore moins de mystères. « Au bord de l’eau », qui ouvre l’album, invite à la rêverie, « Tango sur le Nil », à la danse, « I love Dulcar & Hulusi » à la griserie. Nicolas Draps, Laurence Genevois et Thomas Engelen entrelacent leurs mélopées sur le très élaboré « Kaléïdoscopes ». Peter Hertmans vient innerver magnifiquement le tortueux « Far Out », ou ensoleiller la reprise de « Our Spanish Love Song ». D’autres reprises, telles que « Blue In Green » ou « Tutu » sont revisitées de manières étonnantes, voluptueuses et jouissives. Le « time » de Furnelle, semblant retenir l’ensemble, ne fait que décupler la sensualité de ces thèmes magnifiques. Ce « Voyages Immobiles » porte assurément bien son nom car cette poésie musicale peut vous emmener très loin.
Jazzques 22/12/23
Chronique de Pierre Dulieu (JazzMania & DragonJazz)
Kaléïdoscopes : Voyages Immobiles (Mogno J061) , Belgique, 1er novembre 2023
Après un premier disque éponyme paru en 2020, Kaléïdoscopes sort Voyages Immobiles avec le même line-up incluant Daniel Stokart au saxophone soprano, Nicolas Draps au violon, Laurence Genevois au violon alto, Thomas Engelen au violoncelle et Alexandre Furnelle à la contrebasse. Le style reste globalement le même avec des plages combinant parties écrites dans une perspective de musique chambriste et moments d'improvisation dans la lignée du jazz européen actuel.
Le répertoire comprend quatre reprises (plus une Sarabande de Bach) dans des versions, on s'en doute, peu académiques au regard des enregistrements originaux : Blue in Green de Miles Davis / Bill Evans dont la lenteur est ici mise à profit pour installer une ambiance onirique tout en conservant lyrisme et profondeur ainsi que Tutu, écrit par Marcus Miller pour Miles Davis, dans une interprétation ralentie, habillée par un enchaînement harmonique ample et hantée par de superbes chorus de violon et de violoncelle. Quant à Our Spanish Love Song de Charlie Haden, il apporte en finale une touche légère avec sa mélodie à la fois nostalgique et ensoleillée tandis que le guitariste Peter Hertmans a été convié à y déposer quelques phrases subtiles et délicates qui renvoient à la sensibilité d'un Pat Metheny dont l'inoubliable interprétation de ce morceau en duo avec Haden figure sur l'album Beyond the Missouri Sky.
Parmi les compositions originales, Au Bord de l'Eau met en exergue l'expression sensible des musiciens dépourvue de tout artifice. L'atmosphère est celle d'un déjeuner sur l'herbe impressionniste, le morceau faisant naître des images de dames en robe à pois et de messieurs en marinière que cette musique aurait sûrement enchantés pendant leur piquenique à l'ombre des arbres. Kaléidoscopes, qui a prêté son nom à la formation (ou l'inverse), est en principe le reflet identitaire de l'album même si l'intonation y est subitement plus sombre qu'ailleurs. Les lignes entrecroisées des instruments à cordes y nourrissent une musique qui renvoie un écho de la gravité de certaines compositions contemporaines. Enfin, on épinglera encore le splendide Far Out écrit par le leader, sa mélodie pleine de langueur et son improvisation lumineuse à la guitare par Peter Hertmans. Voyages Immobiles est un disque distillant une poésie immanente : il suffit de l'écouter une seule fois pour en vivre l'épiphanie.
1. Au Bord de l'Eau (6:08) - 2. Kaléïdoscopes (4:02) - 3. Blue in Green (4:10) - 4. Tutu (6:32) - 5. Sarabande et Résonances (1:42) - 6. Far Out (5:49) - 7. Ghînekâ (5:19) - 8. Tango sur le Nil (4:27) - 9. Nightfall (7:02) - 10. I love Duclar & Hulusi (4:46) - 11. Our Spanish Love Song (3:46)
Daniel Stokart (saxophone soprano) ; Nicolas Draps (violon) ; Laurence Genevois (violon alto) ; Thomas Engelen (violoncelle) ; Alexandre Furnelle (contrebasse) + Peter Hertmans (guitare : 6, 9, 11)
JazzHalo
Mogno Music J061
Kaléïdoscopes is een ensemble geleid door bassist Alexandre Furnelle en rietblazer Daniel Stokart,met een strijktrio en als
gast gitarist Peter Hertmans. Ze nodigen met ‘Voyages Immobiles’ uit voor kleurrijke kamermuziek vol nuances en sfeer.
Daniel Stokart leidt met eigen werk de reis met expressieve klanken van rieten over strijkers en bas: ‘Au bord de l’eau’ tot ‘Tango sur le Nil’ en betovert de luisteraar met een muzikaal palet van duclar (soort doedoek) en hulusi (Chinese fluit) in ‘I love Duclar & Hulusi’.Alexandre Furnelle tekent van zijn kant voor licht bedwelmende dromerige horizonten in ‘Kaléïdoscopes’ (mooie interactie van klarinet, bas en strijkers) en ‘Ghinekâ’ (verbluffend strijkersarrangement). In Furnelle’s ‘Far Out’ mag gitarist Peter Hertmans lyrisch en poëtisch soleren. Misschien wel de exemplarische favoriete track van het album.
Peter Hertmans draagt nog schitterend bij in twee nummers van Charlie Haden, gearrangeerd door Furnelle: ‘Nightfall’ en ‘Our Spanisch Love Song’. In ‘Nightfall’ gaan Furnelle en Hertmans tot een fraaie interactie over en valt Stokart en strijkers verder in. In ‘Our Spanish Song’ leiden violisten Nicolas Draps, Laurence Genevois en cellist Thomas Engelen de Spaanse dans verder ingekleurd door de gitaar en de klarinet.
En dan viel de keuze nog op twee van Miles onsterfelijk gemaakte klassiekers: ‘Blue in Green’ (Bill Evans) en ‘Tutu’ (Marcus Miller) in een eigenzinnig klassiek getint symfonisch arrangement van Furnelle waarin alle muzikanten klassevol soleren. Als een soort interludium komt ‘Sarabande & Résonances’ van Bach aan bod met een aparte bewerking door Furnelle.
‘Voyages Immobiles’ van Kaléïdoscopes klinkt breed symfonisch met een surrealistische toets en poëtische wending die filmisch inspireert. Een fijngevoelige blend van deels uitgeschreven klassieke muziek en vrije improvisatie.
© Bernard Lefèvre
Jean-Claude Vantroyen Le Soir 19/11/23
Kaléidoscopes, c’est déjà une promesse de couleurs, de nuances, de formes, de rencontres subtiles. Et c’est bien ce que nous offre le groupe qui a pris, intelligemment, ce nom. Daniel Stokart au sax et à la clarinette basse, Alexandre Furnelle à la contrebasse, Nicolas Draps au violon, Laurence Genevoix à l’alto, Thomas Engelen au violoncelle, plus Peter Hertmans à la guitare sur trois des onze morceaux. C’est de la musique très écrite qui s’aventure parfois dans des improvisations bienvenues, s’affirme dans des compos bien tenues et renouvelle complètement certains standards, comme le Blue in Green et le Tutu joués par Miles Davis et ici ralentis à l’extrême et fort réussis, le Nightfall et Our Spanish Love Song de Charlie Haden et même une Sarabande de Bach. Le morceau qui m’a le plus impressionné est une compo d’Alexandre Furnelle, Far Out, à la mélodie prenante et au magnifique solo de guitare.
alexandre-furnelle.bandcamp.com/
Jacques Prouvost
Pourquoi « Kaléïdoscopes » ? Et pourquoi au pluriel ? Je ne sais pas. Ou alors, peut-être, parce que cette musique vous en met plein les mirettes ? Oui, cette musique vous chatouille les tympans et fait naître en vous des images, des formes, des couleurs. Certains appellent ça la synesthésie, le contrebassiste Alexandre Furnelle appelle ça « Kaléïdoscopes ».
Kaléidoscopes pourrait être la bande son d’un film à imaginer mais c’est, en fait, un superbe jazz de chambre qui évoque - plus qu’il ne souligne - des scènes, des intrigues et des sentiments. Deux violons ( Nicolas Draps et Laurence Genevois), un violoncelle (Thomas Engelen), la contrebasse de Furnelle et le saxophone soprano de Daniel Stokart, voilà une configuration singulière, étonnante et raffinée pour un résultat qui ne l’est pas moins.
Alexandre Furnelle a composé 5 des 9 titres (il en a laissé deux à Daniel Stokart dont le sublime « Les Flocons » et en a emprunté deux autres à Frédéric Chopin et Charlie Haden). Ce savant mélange témoigne de l’attrait de ce quintette pour la musique classique mais aussi contemporaine (l’obsédant « Chorégraphie ») ou l’impro jazz (« Sale affaire »). Des pizzicati tout en rondeurs, des cordes que l’on frôle et que l’on frictionne fortement, des envolées irrépressibles de soprano qui marquent et puis s’évaporent. Des échanges qui illuminent les mélodies ou qui, parfois, les laissent dans une douce pénombre. Voilà ce que révèle ce disque plein de nuances, de couleurs et d’atmosphères changeantes emballées par un
quintette de haut vol. Tout est cohérent, tout est changeant. Un véritable kaléidoscope. Une véritable réussite.
http://www.fullcirclemisicblog.be/446624478
KALEIDOSCOPES - Kaléïdoscopes
Kaléïdoscopes is a cross-over quintet that gets its inspiration from classical, jazz and lots of contemporary styles. The keywords here are harmony and beauty. Most compositions are written by soprano saxophone player Daniel Stokart and double bass player Alexandre Furnelle. The band is completed by Nicolas Draps (violin), Laurence Genevois (viola) and Thomas Engelen (cello). Besides seven own compositions there's Charlie Haden's 'Silence' and Frederic Chopin's 'Prélude n°20 en Do min'. The choice of these two pieces illustrates perfectly what these musicians stand for: deep and well written compositions with room for improvisation, but never out of line. Music for a quiet morning or a night in need of an atmospheric artistic chill. The way these five musicians blend their instruments is amazing and the recording quality (Peter Hertmans) is nothing less than perfect for this music. (Red Box Trib)
(Geert Ryssen)
Dragonjazz
This is chamber jazz played by a small ensemble in which strings are predominant. But there is a little bit more: mysterious soundscapes and hypnotic rhythms add a new dimension to the performance. Except the borderless repertoire, what I like the most is maybe the consideration given to space, tone and fantastic group interactions. Overall, Kaleidoscopes is a perfect and entirely unique record.
K aléïdoscopes (Red Box Trib), 21 octobre 2020
1. Ultima Passeggiata (5:52) - 2. Espace-temps (3:19) - 3. Sale Affaire (4:30) - 4. Coumaya (4:25) - 5. Chopin Prélude n°20 en do min (5:40) - 6. Les Flocons (4:44) - 7. Silence (5:03) - 8. Chorégraphie - (5:19) - 9. Alizés (4:44)
Alexandre Furnelle (contrebasse); Daniel Stokart (saxophone soprano); Nicolas Draps (violon); Laurence Genevois (violon alto); Thomas Engelen (violoncelle). Enregistré par Peter Hertmans en janvier 2020 à la Chapelle de Taviers.
Voilà ce qu'on peut raisonnablement appeler du jazz de chambre, soit une musique acoustique jouée par un petit ensemble (quintet) dans lequel les cordes sont prédominantes et où les interactions de groupe sont primordiales. Le premier titre, Ultima Passeggiata, s'inscrit d'emblée dans cette approche avec une attitude calme et sereine héritée de la musique classique occidentale. Toutefois, les pièces qui suivent laissent aussi entendre d'autres influences : ambient, musique zen et apaisante, mais aussi, comme dans Chorégraphie, des nappes de sons et des rythmes hypnotiques qui évoquent certains compositeurs et orchestres de musique contemporaine. Globalement, l'ensemble du répertoire apparaît ainsi plus varié et donc aussi plus captivant que ce qu'on pourrait imaginer à l'écoute du seul premier morceau.
La contrebasse d'Alexandre Furnelle, qui est le compositeur de 5 des 9 titres du disque, est au cœur de la musique, enrichissant les textures, accompagnant ou délivrant des improvisations courtes mais toujours inspirées comme sur Sale Affaire (à partir de 1:25), sur le Prélude de Chopin (3:38) ou sur Silence (2:25). Au saxophone soprano, Daniel Stokart est le complice idéal. Non seulement, il connaît bien Alexandre Furnelle pour avoir participé à ses anciens albums (Le Chant Des Sirènes, Views Of Xela, Different Kinds Of Blue) mais sa sensibilité le porte à jouer ces miniatures délicates auxquelles il apporte de belles couleurs. Il est par ailleurs le compositeur des deux autres morceaux originaux du programme dont le splendide Les Flocons qui évoque si bien la lenteur des cristaux blancs tombant lentement sur la terre. Enfin, il ne faudrait pas oublier le trio de cordes qui, en l'absence de rythmique, constitue le cœur battant de cette musique parfois mouvementée et parfois évanescente.
Il convient d'aborder ce disque avec une grande ouverture d'esprit car il vous emmène souvent sur des chemins inusités. Mais au bout de l'écoute, la sensation d'avoir fait un voyage inédit vous récompensera à coup sûr d'un supplément d'âme.
[ Chronique de Pierre Dulieu ]
Alexandre Furnelle Kaléidoscopes
★★★
https ://alexandre-furnelle.bandcamp.com/
La contrebasse d’Alexandre Furnelle est accompagnée par le sax soprano de Daniel Stokart, le violon de Nicolas Draps, l’alto de Laurence Genevois et le violoncelle de Thomas Engelen. C’est du jazz de chambre. Et de l’excellent. Des musiques de Furnelle et de Stokart qui soulèvent l’âme, l’élèvent dans l’éther et la promènent dans l’espace, au milieu des astres et des galaxies. Elles suggèrent des histoires qu’on n’a aucune peine à imaginer, comme quand on sommeille et qu’on se croit ailleurs et qu’il nous arrive plein de choses. C’est romantique, un peu nostalgique : ce ne peut être que des histoires d’amours perdues et retrouvées. Le saxophone soprano se fait tantôt léger tantôt plaintif, la contrebasse ponctue ses humeurs, les cordes l’enveloppent joliment. L’improvisation casse parfois la langueur, le violon se fait soudain manouche, la contrebasse virevolte aussitôt, et c’est parfait. Ecoutez « Coumaya » ou « Prélude no 20 en do mineur » ou « Sale affaire », et tout l’album, en fait, qui est un vrai kaléidoscope d’ambiances. Le titre du disque est vraiment adéquat.
J.-C. Vantroyen Le Soir